Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/90

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— Je n’ai pas besoin de lui ! Je ne veux pas le voir ! Emmenez-le ! Attendez un peu !… Comment l’a-t-on conduit ici ? Quel désordre ! gronda Porphyre en s’élançant vers la porte.

— Mais c’est lui qui…, reprit la même voix, et elle s’arrêta soudain.

Durant deux secondes, on entendit le bruit d’une lutte entre deux hommes ; puis l’un d’eux repoussa l’autre avec force et, brusquement, fit invasion dans le cabinet.

Le nouveau venu avait un aspect fort étrange. Il regardait droit devant lui, mais ne semblait voir personne. La résolution se lisait dans ses yeux étincelants, et, en même temps, son visage était livide comme celui d’un condamné que l’on mène à l’échafaud. Ses lèvres, toutes blanches, tremblaient légèrement.

C’était un homme fort jeune encore, maigre, de taille moyenne et vêtu comme un ouvrier ; il portait les cheveux coupés en rond ; ses traits étaient fins et secs. Celui qu’il venait de repousser s’élança après lui dans la chambre et le saisit par l’épaule : c’était un gendarme ; mais Nicolas réussit encore une fois à se dégager.

Sur le seuil se groupèrent plusieurs curieux. Quelques-uns avaient grande envie d’entrer. Tout cela s’était passé en beaucoup moins de temps que nous n’en avons mis à le raconter.

— Va-t’en, il est encore trop tôt ! Attends qu’on t’appelle !… Pourquoi l’a-t-on amené si tôt ? grommela Porphyre Pétrovitch, aussi irrité que surpris. Mais tout à coup Nicolas se mit à genoux.

— Qu’est-ce que tu fais ? cria le juge d’instruction de plus en plus étonné.

— Pardon ! Je suis coupable ! Je suis l’assassin ! dit brusquement Nicolas d’une voix assez forte, malgré l’émotion qui l’étranglait.