Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/98

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— À quel Porphyre ?

— Au juge d’instruction.

— Je le lui ai dit. Comme les dvorniks n’étaient pas allés chez lui, je m’y suis rendu.

— Aujourd’hui ?

— Je suis arrivé une minute avant vous. Et j’ai tout entendu, je sais qu’il vous a fait passer un vilain quart d’heure.

— Où ? Quoi ? Quand ?

— Mais j’étais chez lui, dans la pièce contiguë à son cabinet ; je suis resté là tout le temps.

— Comment ? Ainsi, c’est vous qui étiez la surprise ? Mais comment donc cela a-t-il pu arriver ? Parlez, je vous prie !

— Voyant, commença le bourgeois, — que les dvorniks refusaient d’aller prévenir la police sous prétexte qu’il était trop tard et qu’ils trouveraient le bureau fermé, j’en éprouvai un vif mécontentement et je résolus de me renseigner sur votre compte ; le lendemain, c’est-à-dire hier, je pris mes renseignements, et aujourd’hui je me suis rendu chez le juge d’instruction. La première fois que je me suis présenté, il était absent. Une heure après je suis revenu et n’ai pas été reçu ; enfin, la troisième fois, on m’a introduit. J’ai raconté les choses de point en point comme elles s’étaient passées ; en m’écoutant, il bondissait dans la chambre et se frappait la poitrine : « Voilà comme vous faites votre service, brigands ! s’écriait-il ; si j’avais su cela plus tôt, je l’aurais fait chercher par la gendarmerie ! » Ensuite il est sorti précipitamment, a appelé quelqu’un et a causé avec lui dans un coin ; puis il est revenu vers moi et s’est mis à me questionner, tout en proférant force imprécations. Je ne lui ai rien laissé ignorer ; je lui ai dit que vous n’aviez pas osé répondre à mes paroles d’hier et que vous ne m’aviez pas reconnu. Il continuait à se frapper la poitrine, à vociférer et