Page:Dostoïevski - Humiliés et offensés.djvu/157

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tes livres. Tu demeureras avec moi, je ne te placerai chez personne, à moins que tu ne le désires toi-même, calme-toi…

— Je m’engagerai comme ouvrière.

— Bien, bien ! mais tranquillise-toi, couche-toi, dors ! Elle se mit bientôt à sangloter ; je ne savais que faire.

J’allai chercher de l’eau et je lui mouillai les tempes. Elle tomba enfin sans forces sur le canapé, et le frisson de la fièvre la reprit. Je la couvris de tout ce qui me tomba sous la main, et elle s’endormit, mais d’un sommeil agité et fréquemment interrompu. Quoique je n’eusse pas beaucoup marché pendant la journée, je n’en pouvais plus de fatigue, et je me couchai. De noirs présages tourbillonnaient dans mon esprit, et je pressentais que cette enfant me causerait beaucoup de peines et de chagrins. Mais Natacha m’inquiétait par-dessus tout. Il m’est rarement arrivé de m’endormir avec des pensées aussi lugubres que cette malheureuse nuit.



IX

Je m’éveillai le lendemain à neuf heures ; je me sentais tout malade ; la tête me tournait et me faisait atrocement mal. Je regardai le lit d’Hélène, il était vide. J’entendis frotter quelque chose sur le plancher, à droite de ma chambre ; je sortis, et je l’aperçus un petit balai à la main et relevant de l’autre sa robe parée qu’elle n’avait pas ôtée depuis l’avant-veille ; le bois préparé pour le poêle était rangé dans un coin ; sur la table bien essuyée se trouvait la théière, qu’elle avait rincée ; elle balayait le plancher ; bref, elle faisait le ménage.

— Hélène, m’écriai-je, qui t’a dit de balayer le plancher ? Je ne te le permets pas, tu es malade ; crois-tu être venue chez moi comme servante ?

— Qui balayera le plancher ? répondit-elle en se redressant et en me regardant. Je ne suis plus malade.

—