Page:Dostoïevski - Humiliés et offensés.djvu/232

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Je viendrai, Alexandra Séménovna, je vous le promets.

— Oui ! vous avez peut-être de la répugnance à venir, parce qu’il… s’enivre ainsi… Ne le méprisez pas, Ivan Pétrovitch, il a bon cœur, et il vous aime beaucoup ; il ne cesse de me parler de vous, et il m’a acheté votre livre ; je ne l’ai pas encore lu, je commencerai demain. Que je serai heureuse quand vous viendrez ! je ne vois personne. Nous avons tout ce que le cœur désire, et nous sommes toujours seuls. J’ai été là tout le temps à vous écouter, j’étais si heureuse !… Ainsi, à vendredi !…



VII

Je me hâtai de retourner chez moi, vivement impressionné de ce que m’avait raconté Masloboïew ; toutes sortes d’idées se brouillaient dans ma tête, et, comme par un fait exprès, un événement qui devait me secouer comme une commotion électrique m’attendait à la maison.

J’avais à peine fait deux pas sous la porte cochère, qu’une figure étrange se détacha de la muraille et qu’une créature épouvantée, tremblante, à demi affolée, se jeta sur moi en poussant un cri et se cramponna à mon bras. Saisi d’effroi, je regardai : c’était Nelly !

— Nelly ! qu’as-tu ? m’écriai-je, que t’est-il arrivé ?

— Là, là-haut… il est là-haut… chez nous…

— Qui donc ? viens, nous irons ensemble.

— Non, je ne veux pas, je ne veux pas aller. J’attendrai qu’il soit parti…j’attendrai dans l’escalier… je ne veux pas !…

Un singulier pressentiment s’empara de moi. Je montai, j’ouvris la porte et… j’aperçus le prince. Il était assis devant ma table et lisait, du moins il avait un livre ouvert devant lui.

— Ivan Pétrovitch ! s’écria-t-il tout joyeux. Enfin, c’est vous ! J’allais partir après vous avoir attendu plus d’une heure. J’ai promis à la comtesse de vous amener ce soir chez elle ; elle désire si ardemment faire votre connaissance,