Page:Dostoïevski - Inédits.djvu/243

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le nom qui convenait à la position sociale de leur futur descendant. Si bien que, d’après le nom seul, vous comprenez que cet homme se promène armé d’un couteau et tue les gens sans raison, Dieu sait pourquoi, comme s’il était une machine à tuer et à incendier. Ça c’était bien ; au moins on savait à quoi s’en tenir.

Maintenant les auteurs parlent de Dieu sait quoi. Maintenant, il arrive que l’homme le plus vertueux, le plus incapable d’un crime se montre soudain un parfait malfaiteur, sans que même il s’en doute. Et le plus fâcheux, c’est que personne ne peut le remarquer, personne ne peut le dire. Alors, longtemps, il est entouré de respect, et enfin il meurt couvert d’une telle gloire, accompagné de telles louanges, qu’on se prend à l’envier. Souvent il est pleuré sincèrement, tendrement, et, ce qui est le plus drôle, il est pleuré par sa victime même. Malgré cela, il y a parfois tant de prudence dans le monde, qu’on ne comprend pas du tout comment elle arrive à se loger parmi nous ! Voici, par exemple, un cas qui s’est produit ces jours derniers. Un de mes anciens amis, un tantinet mon protecteur, Julian Mastakovitch, a l’intention de se marier. À vrai dire, il est difficile de se marier à un âge plus convenable. Il n’est pas encore marié ; il a encore trois semaines de bon temps avant le mariage. Mais chaque soir il met son gilet blanc, sa perruque, tout ce qu’il faut, achète un bouquet et des bonbons, et s’en va faire sa cour à Glafira Petrovna, sa fiancée, jeune fille de dix-sept ans, tout à fait innocente, qui est dans l’ignorance complète du mal. Rien qu’à cette pensée un sourire sucré paraît sur les lèvres de Julian Mastakovitch. Non, il est même agréable de se marier à un âge pareil.