Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/14

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gue date, qu’il était extrêmement porté au scrupule, qu’il s’agît de choses importantes ou de futilités : aussi était-il résolu à se fier le moins possible à lui-même. Pourtant il survenait quelquefois des faits dont il n’était pas possible de contester la réalité. Dans les derniers temps, quelquefois, durant la nuit, ses pensées et ses sentiments se modifiaient jusqu’à devenir presque l’opposé de ce qui est normal, et très souvent ils ne ressemblaient plus en rien à ceux qu’il avait eus pendant le jour. Il en fut très frappé : il alla consulter un médecin célèbre, qu’il connaissait fort bien ; naturellement, il lui parla sur le ton de la plaisanterie. Le médecin répondit que le fait de l’altération et même du dédoublement des pensées et des sensations la nuit, en état d’insomnie, est un cas très commun chez les hommes « qui pensent fortement et qui sentent fortement » ; que parfois les convictions de toute une vie changent subitement, du tout au tout, sous l’action déprimante de la nuit et de l’insomnie ; qu’on voit prendre parfois, sans rime ni raison, des résolutions tout à fait fatales ; que tout cela du reste comporte bien des degrés ; — qu’enfin, s’il arrive que le sujet ressente très vivement le dédoublement de sa personne, et en souffre, c’est signe d’une