Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/136

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parce qu’il était décidé à la modifier du tout au tout dans le plus bref délai. Mais le moyen qu’il avait en vue pour faire cesser cet état de choses constituait lui-même un gros problème dont la solution risquait de susciter à Gania des ennuis pires que les précédents.

Le logis était coupé en deux par un corridor qui commençait à partir de l’antichambre. D’un côté se trouvaient les trois pièces qu’on louait à des personnes « particulièrement recommandées » ; il y avait en outre sur le même rang, tout au bout du corridor, près de la cuisine, une quatrième pièce, celle-ci plus petite que les autres, dans laquelle logeait le général Ivolguine lui-même, le chef de la famille ; il couchait là sur un large divan ; pour entrer dans l’appartement ou pour en sortir, il était obligé de passer par la cuisine et de prendre l’escalier de service. En même temps, ce réduit servait de chambre à Kolia, le jeune frère de Gabriel Ardalionovitch : c’était là que ce collégien de treize ans faisait ses devoirs, c’était là qu’il dormait sur un vieux divan, petit, étroit et couvert d’un drap troué. Mais la principale tâche de l’enfant consistait à avoir l’œil sur son père, qui de jour en jour avait plus besoin d’être surveillé. On donna au prince la chambre du milieu, située entre celle de Ferdychtchenko à droite, et une pièce encore inoccupée à gauche. Auparavant Gania introduisit Muichkine dans la partie de l’appartement que les Ivolguine s’étaient réservée. Le logement particulier de la famille se composait de trois pièces : une salle qui se transformait, quand il le fallait, en salle à manger ; un salon qui, le soir venu, servait à Gania de cabinet et de chambre à coucher ; enfin, une petite pièce toujours fermée où couchaient Nina Alexandrovna et Barbara Ardalionovna. En un mot, on était excessivement à l’étroit dans ce local ; Gania se contentait de bougonner à part soi ; quoiqu’il fût et voulût être respectueux pour sa mère, on pouvait s’apercevoir à première vue qu’il était le grand despote de la famille.

Nina Alexandrovna n’était pas seule au salon ; avec elle