Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous, personne ici ne serait capable d’en faire autant. Je vous… Nastasia Philippovna… je vous aime. Je mourrais pour vous, Nastasia Philippovna. Je ne permets à personne de dire un mot sur vous, Nastasia Philippovna… Si nous sommes pauvres, je travaillerai, Nastasia Philippovna…

En entendant les dernières paroles du prince, Ferdychtchenko et Lébédeff se mirent à rire, le général lui-même manifesta sa mauvaise humeur par une sorte de gloussement. Ptitzine et Totzky ne purent s’empêcher de sourire, mais ils le firent aussi discrètement que possible. Les autres restèrent bouche béante d’étonnement.

— … Mais peut-être qu’au lieu d’être pauvres, nous serons très-riches, Nastasia Philippovna, poursuivit le prince de la même voix timide. — Du reste, je ne sais rien de positif, et c’est dommage que durant toute cette journée je n’aie pu me procurer aucun renseignement ; mais, étant en Suisse, j’ai reçu une lettre d’un monsieur Salazkine, de Moscou, et, d’après ce qu’il m’écrit, un héritage fort important me serait échu. Voici cette lettre…

Ce disant, le prince tirait une lettre de sa poche.

— Mais est-ce qu’il a toute sa tête ? murmura le général : — c’est une vraie maison de fous !

Il y eut un instant de silence.

— Vous avez dit, je crois, prince, que cette lettre vous avait été adressée par Salazkine ? demanda Ptitzine : — c’est un homme très-connu dans son cercle, il a une grande réputation comme agent d’affaires, et, si cet avis émane en effet de lui, vous pouvez le tenir pour certain. Par bonheur, je connais l’écriture de Salazkine, vu que j’ai été dernièrement en relations d’affaires avec lui… Si vous me permettiez de jeter un coup d’œil sur ce papier, je pourrais peut-être vous dire quelque chose.

Sans proférer un mot, le prince, d’une main tremblante, tendit la lettre à Ptitzine.

— Mais qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est ? dit le