Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/375

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— Cela… cela… cela… firent tous ensemble les visiteurs, violemment émus.

— Pour ce qui est de l’article, répliqua Hippolyte de sa voix glapissante, — je vous ai déjà dit que ni les autres ni moi ne l’approuvons ! Voici celui qui l’a écrit ! ajouta-t-il en montrant le boxeur assis à côté de lui : — il a rédigé cela, je le reconnais, sans plus respecter la langue que les convenances, il y a mis son style d’ancien troupier. C’est un imbécile doublé d’un chevalier d’industrie, j’en conviens, et je ne me gêne pas pour le lui dire tous les jours à lui-même. Mais, en somme, il était à moitié dans son droit : la publicité est le droit légitime de chacun, et, par conséquent aussi, celui de Bourdovsky. Que lui-même réponde de ses sottises. Quant à la protestation que tantôt j’ai élevée au nom de tous contre la présence de vos amis, je crois nécessaire de vous expliquer, messieurs, que j’ai protesté uniquement pour affirmer notre droit, mais qu’en réalité nous désirons même qu’il y ait des témoins ; tout à l’heure déjà, avant d’entrer ici, nous étions tous quatre d’accord là-dessus. Quels que soient vos témoins, fussent-ils même vos amis, peu nous importe. Comme ils ne peuvent pas ne pas reconnaître le droit de Bourdovsky (vu que ce droit est palpable, mathématique), il vaut encore mieux que ces témoins soient vos amis : la vérité n’en ressortira qu’avec plus d’évidence.

— C’est vrai, nous étions d’accord sur ce point, confirma le neveu de Lébédeff.

— Si tel était votre désir, pourquoi donc tantôt avez-vous commencé par jeter les hauts cris ? demanda le prince étonné.

Le boxeur avait une terrible envie de placer son petit mot ; excité sans doute par la présence des dames, il se sentait tout gaillard.

— Quant à l’article, prince, dit-il, — je m’en reconnais l’auteur, bien qu’il vienne d’être éreinté par mon maladif ami, à qui, en raison de son triste état de santé, j’ai l’habitude de pardonner beaucoup de choses. Mais je l’ai composé et publié sous forme de correspondance dans le journal d’un