Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/396

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en montrant Kolia, — ce morveux me soutenait que c’était le sens de la « question des femmes ». Mais, en supposant même que votre mère soit une sotte, vous n’en devez pas moins la traiter avec humanité… Pourquoi tantôt êtes-vous entrés si insolemment ? « Accorde-nous tous les droits, mais toi ne te permets pas de souffler mot en notre présence. Prodigue-nous tous les témoignages du respect le plus profond, mais toi, nous te traiterons plus mal que le dernier des laquais ! » Dans leur article, ils l’ont calomnié comme des mécréants, et voilà les hommes qui cherchent la vérité, qui luttent pour le droit ! « Nous ne sollicitons pas, nous exigeons ; vous n’entendrez de nous aucune parole de remerciement, parce que vous agirez pour la satisfaction de votre propre conscience ! » Quelle morale ! Mais, voyons, si vous déclarez que la générosité du prince ne vous inspirera aucune reconnaissance, il peut vous répondre que lui-même ne se croit tenu à aucune reconnaissance envers Pavlichtcheff, ce dernier n’ayant agi, lui aussi, que pour la satisfaction de sa propre conscience. Or vous n’avez compté que sur cette gratitude du prince à l’endroit de Pavlichtcheff : vous ne lui avez pas prêté d’argent, il ne vous en doit pas : sur quoi donc comptiez-vous, sinon sur la reconnaissance ? Et quand vous faites appel à ce sentiment chez les autres, pourquoi vous-même prétendez-vous vous en affranchir ? Ils sont fous ! Ils déclarent la société sauvage et inhumaine, parce qu’elle méprise une jeune fille séduite. Mais si vous tenez la société pour inhumaine, vous reconnaissez par cela même qu’elle fait souffrir la jeune fille. Comment donc pouvez-vous livrer celle-ci, par vos articles, au mépris de la société, sans voir que vous lui faites une situation pénible ? Des fous ! Des vaniteux ! Ils ne croient pas en Dieu, ils ne croient pas au Christ ! Mais vous êtes tellement rongés de vanité et d’orgueil que vous finirez par vous dévorer les uns les autres, c’est moi qui vous le prédis ! Et n’est-ce pas de l’absurdité, cela, n’est-ce pas un monstrueux chaos ? Et après cela cet éhonté ira encore leur demander pardon ! Mais y a-t-il beaucoup de gens comme