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fierté, le froid mépris avec lesquels tantôt elle avait considéré les « petites gens » se montrèrent de nouveau dans ses yeux, lorsqu’elle dévisagea l’insolente. Un instant après, elle regarda fixement Eugène Pavlovitch.

— Il y a du nouveau ! poursuivit la voix sonore : — ne t’inquiète pas des lettres de change souscrites à Koupféroff ; Rogojine les lui a rachetées pour trente mille roubles, j’ai obtenu cela de lui. Tu peux encore être tranquille pendant trois mois. Avec Biskoup et toute cette fripouille nous nous arrangerons, ce sont des connaissances à nous ! Ainsi tout va bien, comme tu vois. Sois gai. À demain !

La calèche se remit en marche et ne tarda pas à disparaître.

— C’est une folle ! cria enfin Eugène Pavlovitch, qui, rouge d’indignation, promenait autour de lui des regards ahuris : — je ne sais pas du tout ce qu’elle a voulu dire ! Quelles lettres de change ? Qui est-elle ?

Élisabeth Prokofievna le regarda encore pendant deux secondes ; puis, brusquement, elle prit le chemin de sa villa, et les autres la suivirent. Une minute après, le prince vit revenir vers lui Eugène Pavlovitch en proie à une agitation extraordinaire.

— Prince, franchement, vous ne savez pas ce que cela signifie ?

— Je n’en sais rien, répondit le prince, qui lui-même paraissait bouleversé.

— Non ?

— Non.

— Ni moi non plus, reprit avec un rire soudain Eugène Pavlovitch. — Je vous en donne ma parole d’honneur, je ne comprends rien à ces lettres de change !… Mais qu’est-ce que vous avez ? Vous semblez sur le point de défaillir ?

— Oh ! non, non, je vous assure, non…

FIN DU TOME PREMIER