Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/62

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Maintenant, pour le reste, écoutez : Gabriel Ardalionitch Ivolguine, mon jeune ami ici présent, dont je vous prie de faire la connaissance, habite en famille, c’est-à-dire avec sa mère et sa sœur ; ces dames ont chez elles deux ou trois chambres meublées et bien en ordre pour recevoir des locataires ; elles les louent, avec la table et le service, à des personnes munies de bonnes références. Nina Alexandrovna, j’en suis sûr, aura égard à ma recommandation. Pour vous, prince, c’est même plus qu’un trésor, d’abord parce qu’au lieu d’être isolé, vous serez, pour ainsi dire, dans le giron de la famille ; or, à mon avis, vous ne pouvez pas, dès le début, vous trouver seul dans une capitale comme Pétersbourg. Nina Alexandrovna et Barbara Ardalionovna, l’une mère, l’autre sœur de Gabriel Ardalionitch, sont des dames pour qui je professe la plus haute estime. La première est la femme d’un de mes anciens camarades, le général Ardalion Alexandrovitch, aujourd’hui retiré du service ; quoique par suite de certaines circonstances j’aie cessé de le voir, cela ne m’empêche pas de l’estimer dans son genre. Ce que j’en dis, prince, est pour vous faire comprendre que je vous recommande personnellement, si je puis ainsi parler, et que, par conséquent, je réponds en quelque sorte de vous. Le prix de la pension est des plus modérés, et j’espère que votre traitement vous permettra bientôt de faire face à cette dépense. À la vérité, l’homme a aussi besoin d’argent de poche ; si peu que ce soit, il lui en faut ; mais vous ne vous fâcherez pas, prince, si je vous fais observer que vous devriez plutôt éviter l’argent de poche, et, en général, l’argent dans la poche. Je parle ainsi d’après mon opinion sur vous. Mais, comme en ce moment votre bourse est tout à fait vide, pour commencer, permettez-moi de vous offrir ces vingt-cinq roubles. Naturellement, nous compterons plus tard, et si vous êtes un homme aussi droit et aussi loyal que le font supposer vos paroles, aucune difficulté ne pourra s’élever entre nous à ce propos. Si je m’intéresse tant à vous, c’est que j’ai certaines vues en ce qui vous concerne ; un jour vous les connaîtrez.