Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/20

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chose encore que ni lui ni le prince ne connaissaient. « Naturellement je n’ai pas espionné, je n’ai voulu interroger personne ; du reste, on m’a bien reçu, si bien même que j’en ai été étonné, mais de vous, prince, pas un mot ! » Le plus important, c’était que tantôt Aglaé s’était fâchée avec les siens au sujet de Gania. Kolia ignorait les détails de l’affaire, il savait seulement que c’était à cause de Gania (imaginez-vous cela !). La querelle avait été très-violente, par conséquent elle devait avoir un motif grave. Le général était arrivé tard, il avait l’air maussade ; Eugène Pavlovitch, qui l’accompagnait, avait été parfaitement accueilli ; lui-même s’était montré étonnamment gai et aimable. Mais la nouvelle capitale, c’était que, sans faire d’esclandre, Élisabeth Prokofievna avait mandé auprès d’elle Barbara Ardalionovna qui se trouvait alors avec les demoiselles, et lui avait interdit une fois pour toutes l’accès de sa maison. « Du reste, elle a formulé cette défense de la façon la plus polie, au dire de ma sœur elle-même », ajouta Kolia. Mais quand Varia était sortie de chez la générale et avait pris congé des demoiselles, celles-ci ne savaient même pas qu’elle leur disait adieu pour la dernière fois et qu’il lui était interdit de remettre désormais les pieds dans la maison.

— Mais Barbara Ardalionovna est venue chez moi à sept heures ? fit le prince surpris.

— Et c’est vers les huit heures qu’elle a reçu son congé.

Je plains fort Varia, je plains Gania… sans doute, ils sont continuellement occupés d’intrigues, ils ne pourraient pas vivre sans cela. Et jamais je n’ai pu savoir ce qu’ils trament ; du reste, je n’y tiens pas. Mais je vous assure, mon bon, mon cher prince, que Gania a du cœur. Assurément, sous beaucoup de rapports, c’est un homme corrompu, mais il y a en lui des qualités qu’il suffit de chercher pour les découvrir, et jamais je ne me pardonnerai de l’avoir méconnu autrefois… Je ne sais pas si je puis continuer à voir les Épantchine après l’histoire qui vient d’arriver à Varia. À la vérité, dès le début, je me suis mis sur un pied d’indépen-