Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/224

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relle avec Hippolyte et à la « malédiction » que l’on sait. Pendant ces trois jours, on observa aussi en lui un amour-propre excessif, joint naturellement à une susceptibilité extraordinaire. Kolia assurait sans cesse à Nina Alexandrovna que son père avait le spleen parce qu’il ne buvait plus et peut-être aussi parce qu’il ne voyait plus Lébédeff dont il était devenu depuis quelque temps l’ami intime. Mais, trois jours auparavant, le général s’était brouillé avec Lébédeff ; il avait même eu une scène avec le prince. Kolia demanda à celui-ci des explications et finit par se douter qu’il y avait quelque chose que le prince ne voulait pas lui dire. Si, comme Gania le supposait avec beaucoup de vraisemblance, une conversation particulière avait eu lieu entre Hippolyte et Nina Alexandrovna, on s’expliquerait difficilement que ce méchant monsieur à qui Gania avait si hardiment lancé l’épithète de cancanier, ne se fût pas fait aussi un plaisir de mettre Kolia au courant des choses. Peut-être qu’Hippolyte n’était pas un aussi méchant « gamin » que Gania l’avait dit en causant avec sa sœur, ou que, du moins, sa méchanceté était d’un autre genre. Il est également douteux qu’il ait communiqué le résultat de ses observations à Nina Alexandrovna dans le seul but de « lui déchirer le cœur ». N’oublions pas que les causes des actions humaines sont d’ordinaire infiniment plus complexes et plus variées qu’on ne se le figure après l’événement. Parfois le mieux pour le narrateur est de se borner au simple exposé des faits. Ainsi allons-nous procéder dans l’explication de la catastrophe survenue au général.

Après être allé à Pétersbourg dans l’intention de retrouver Ferdychtchenko, Lébédeff revint le même jour avec Ardalion Alexandrovitch et ne communiqua rien de particulier au prince. Si ce dernier avait été moins distrait et moins absorbé par des préoccupations d’un caractère plus personnel, il aurait pu aisément remarquer que le lendemain et le surlendemain Lébédeff, loin de lui donner aucun éclaircissement, avait paru, au contraire, éviter sa présence. Ce détail