Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/353

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ment accueilli les premières ouvertures qui lui ont été faites à ce sujet. » Il se pouvait que lui, Eugène Pavlovitch, se rendit aussi à l’étranger. Le prince Chtch… lui-même s’absenterait peut-être pour deux mois avec Adélaïde, si ses affaires le lui permettaient. Le général resterait en Russie. À présent ils s’étaient tous transportés dans leur bien de Kolmino qui était situé à vingt verstes de Pétersbourg et où se trouvait une vaste habitation seigneuriale. La princesse Biélokonsky n’était pas encore partie pour Moscou, il semblait même qu’elle fit exprès de retarder son départ. Élisabeth Prokofievna avait vivement insisté pour que l’on quittât Pavlovsk, assurant qu’il était impossible d’y rester après tout ce qui était arrivé ; chaque jour Eugène Pavlovitch lui-même faisait part à la générale des bruits répandus en ville. Les Épantchine n’avaient pas cru possible non plus d’aller achever leur villégiature à Élaguine.

— Et, en effet, ajouta le narrateur, — convenez-en vous-même, y avait-il moyen d’y tenir… surtout sachant tout ce qui se fait à toute heure ici chez vous, prince, dans votre maison, et lorsque, malgré leur refus de vous recevoir, vous vous présentiez chaque jour chez eux…

— Oui, oui, oui, vous avez raison, je voulais voir Aglaé Ivanovna… dit le prince en hochant de nouveau la tête.

Eugène Pavlovitch s’anima soudain.

— Ah ! cher prince, s’écria-t-il avec tristesse, — comment avez-vous pu alors laisser faire… tout ce qui a eu lieu ? Sans doute, sans doute, vous étiez loin de vous attendre à tout cela… Je reconnais que vous avez dû perdre la tête, et… que vous ne pouviez pas retenir la folle jeune fille, cela était au-dessus de vos forces ! Mais vous auriez dû comprendre combien étaient sérieux les sentiments de cette jeune fille pour vous. Elle ne voulait pas vous partager avec une autre, et vous… et vous avez pu sacrifier un pareil trésor !

— Oui, oui, vous avez raison ; oui, je suis coupable, dit le prince profondément affligé, — et vous savez, elle seule,