Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est comme là-bas… à Moscou ?

— Rapport à l’odeur, mon ami. Mais comme elle repose… Demain matin, quand il fera jour, tu la regarderas. Qu’est-ce que tu as ? Tu ne peux pas même te lever ? demanda avec un étonnement craintif Rogojine en voyant que le prince tremblait au point de ne pouvoir se mettre sur ses jambes.

— Mes genoux fléchissent, murmura Muichkine ; — c’est la frayeur, je le sais… Cela se passera et je…

— Attends, je vais faire un lit pour nous, et tu te coucheras… je me coucherai aussi… et nous écouterons… parce que, mon ami, je ne sais pas encore… maintenant, mon ami, je ne suis pas encore bien fixé, mais je te dis cela d’avance, pour que tu sois prévenu…

Tout en marmottant ces paroles obscures, Rogojine s’était mis en devoir d’improviser un lit. Il était évident que depuis le matin, peut-être, il pensait à cela. Il avait passé la nuit précédente sur un divan, mais on n’aurait pas pu y coucher à deux, et maintenant il tenait absolument à reposer à côté de son ami. Voilà pourquoi, ayant enlevé les lourds coussins qui garnissaient les deux divans, il les porta, non sans peine, à travers toute la chambre et les déposa le long du rideau. Sa besogne terminée, il s’approcha du prince, le prit sous le bras avec une tendresse mêlée d’exaltation, le souleva et le conduisit près du lit. Le prince se trouva être en état de marcher, par conséquent sa « frayeur » avait disparu ; pourtant il n’en continuait pas moins à trembler.

Parfène Séménitch fit coucher Muichkine sur le coussin de gauche, — le meilleur, puis, sans s’être déshabillé, il s’étendit sur celui de droite et mit ses deux mains derrière sa tête.

— C’est que, mon ami, commençait-il tout à coup, — maintenant il fait chaud, et l’odeur… Je n’ose pas ouvrir les fenêtres ; il y a des pots de fleurs dans l’appartement de ma mère, il y en a beaucoup, et ils répandent une odeur délicieuse ; j’avais pensé à les transporter ici, mais Pafnoutievna se serait doutée de quelque chose, parce qu’elle est curieuse.