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le joueur

nement de dédain. Elle me sait au courant de certaines circonstances de sa vie, de celles qui l’inquiètent le plus. Elle-même m’a donné certains détails, juste assez pour pouvoir m’utiliser, m’employer comme commissionnaire. Quant à l’enchaînement des événements, je l’ignorerai toujours. Pourtant, si elle me voit inquiet de ses propres inquiétudes, elle daigne me tranquilliser par des demi-franchises, voire par des trois quarts de franchises. Comme si elle ne devait pas, m’employant à des commissions très dangereuses, être avec moi d’une sincérité absolue !

Je connaissais depuis trois semaines son intention de me faire jouer à la roulette, car il n’était pas convenable qu’elle jouât elle-même. À sa physionomie je compris qu’il ne s’agissait pas d’un désir vague, mais d’un besoin très sérieux de gagner de l’argent. Pourtant, à quoi peut donc lui servir l’argent ? Elle doit avoir un but, quelque projet qui m’échappe, c’est-à-dire que j’entrevois, mais dont je ne suis pas sûr. Certes, l’humiliant esclavage qu’elle m’impose me donne le droit de la questionner catégoriquement. Puisque je suis pour elle si peu de chose, elle ne peut s’offenser de ma grossière curiosité. Mais si elle me permet bien de la questionner, elle ne me répond pas. Quelquefois, elle ne paraît même pas s’apercevoir que je l’interroge.

Hier, nous avons beaucoup parlé du télégramme envoyé, il y a quatre jours, à Pétersbourg et qui est resté jusqu’ici sans réponse. Le général était visiblement inquiet et pensif ; il s’agit évidemment de la babouschka. Le Français s’inquiète aussi. Hier soir, après le dîner, il s’est entretenu longuement et sérieusement avec le général. Avec nous tous il a un ton extraordinairement hautain et méprisant. Vous connaissez le proverbe : « Quand on te permet de t’asseoir à table, tu y mets les pieds. » Même avec Paulina, il montre un sans-gêne qui va jusqu’à la grossièreté. Pourtant, il prend part avec