Page:Dostoïevski - Le Rêve de l’oncle, trad. Kaminsky, 1895.djvu/282

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— Je m’en veux, mon amie, c’est pour quoi j’en parle. Voilà dix-huit mois que je ne t’ai pas vue. Je voudrais décharger mon cœur ! Tous ces temps, j’étais seul, et aucun instant ne s’est passé sans que je pense à toi, mon amie. Combien j’aurais voulu faire quelque chose pour reconquérir ton estime ! Je ne croyais pas jusqu’au dernier moment que je mourrais ; je ne me suis pas alité tout de suite, longtemps je marchai la poitrine abîmée. Et combien de rêves ridicules ! Parfois je me croyais un grand poète et en train de publier un poème tel qu’il n’en a pas encore paru dans le monde, que personne n’avait eu le génie d’écrire. Je pensais y verser tous mes sentiments, toute mon âme, et ainsi j’aurais été toujours avec toi, et, quel que soit l’endroit où tu te serais trouvée, mes vers m’aurait rappelé à toi, et mon seul rêve était de croire que tu aurais pu dire enfin : « Non, il n’est pas si mauvais que je croyais. » C’est sot, Zina, c’est sot, n’est-ce pas ?