Page:Dostoïevski - Le Rêve de l’oncle, trad. Kaminsky, 1895.djvu/93

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serait pénible d’épouser ce Mozgliakov…

— Je sais, sans qu’on ait besoin de me le dire, que je ne serai jamais sa femme ! interrompit Zina avec emportement.

— Si tu savais, ma chère petite, comme je comprends ce dégoût ! Il est terrible de jurer devant l’autel de Dieu amour et fidélité à celui qu’on ne peut aimer ! Il est terrible d’appartenir à un homme qu’on ne peut respecter. Il te demanderait pourtant ton amour ; c’est pour t’avoir qu’il t’épouserait : cela se devine assez aux regards qu’il te jette quand tu te détournes. Mais comment simuler perpétuellement l’amour ? Ah ! ma fille, voilà vingt-cinq ans que moi-même je souffre de cette comédie nécessaire. Ton père m’a perdue. Il a, on peut le dire, empoisonné toute ma jeunesse, et que de fois tu as vu couler mes larmes !…

— Papa est à la campagne ; ne l’attaquez pas, je vous prie !

— Oui, tu le défends toujours, je le sais… Ah ! Zina, mon cœur se serrait quand la pru-