Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/101

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près mots d’esprit, qui paraissaient affreusement stupides, malgré la hardiesse de son langage ; je détestais son visage, qui était beau, mais sans intelligence (mais pour lequel j’aurais volontiers donné le mien, tout intelligent que je le croyais) et ses manières libres d’officier de 1840. Je détestais ce qu’il disait de ses futurs succès avec les femmes (il n’osait entreprendre les femmes avant d’avoir les épaulettes d’officier, et il les attendait avec impatience), et de ses futurs duels qu’il aurait nombreux. Je me souviens que, toujours silencieux, je pris soudain Zverkov à parti, quand un jour, parlant avec ses camarades pendant la récréation de ses futures jouissances et se mettant enfin à l’aise, comme un jeune chien qui joue au soleil, il déclara qu’il ne laisserait pas une seule fille de son village sans lui témoigner sa faveur, que ce serait le droit du seigneur, et que si les paysans osaient protester, il les ferait fouetter, et ferait payer double redevance à ces canailles barbues. Nos goujats applaudirent, mais moi je ripostai, nullement par pitié pour les filles et leurs pères, mais simplement parce qu’on applaudissait à un insecte pareil. Je l’emportai alors, mais Zverkov, quoiqu’il fut bête, était gai et hardi ; à ce point même, que je ne l’emportai pas tout à fait : les rieurs furent de son côté. Il l’emporta encore plusieurs fois, mais sans malice, par manière de plaisanterie, en passant, pour rire. Je ne lui répondais pas méchamment et