Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/153

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on dit cela ? C’est un bonheur ! Aimes-tu les petits enfants, Lisa ? Je les adore. Quel est le mari dont le cœur ne se tournera pas vers sa femme, en la voyant avec son enfant ! L’enfant tout rose, tout gras, qui s’étend, se câline ; les petites jambes, les petits bras tout dodus, les ongles si nets, petits, si petits, que c’est même drôle à voir ; ses yeux qui ont l’air de tout comprendre. Il tette, et il tire le sein de sa mère avec sa menotte, il s’amuse. Le père s’approche, l’enfant abandonne le sein, il se tend en arrière, il regarde le père et se met à rire, comme si vraiment c’était si drôle, puis il se remet à téter. Et puis des fois, il mord le sein de sa mère, quand il perce ses dents, et il la regarde de travers, de ses yeux malins : « Tiens, je t’ai mordue ! » Est-ce que ceci n’est pas le bonheur, quand ils sont trois ensemble : le mari, la femme et l’enfant ? On peut pardonner bien des choses pour ces instants-là. Non, Lisa, il faut d’abord apprendre à vivre soi-même et ensuite accuser les autres !

« Il faut lui présenter ces images-là ! » pensai-je, quoique je parlasse avec sentiment, et soudain, je rougis : « Et si elle éclate de rire, que ferai-je ? » Cette pensée me fit enrager. Vers-la fin du discours, je m’étais échauffé et cela faisait souffrir mon amour-propre. Le silence se prolongeait. J’eusse même voulu la pousser.

— Comment faites-vous… commença-t-elle soudain et s’arrêta.