Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/199

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cœur. Mais l’injure ne s’effacera jamais en elle et quelque vile que soit la boue qui l’attend, l’injure l’élèvera et la purifiera… par la haine… hm… Peut-être aussi par le pardon… Mais, cependant, cela la soulagera-t-il ? »

En effet, voilà que je me pose une question oiseuse : « Qu’est-ce qui vaut mieux ? Le bonheur médiocre ou les souffrances élevées ? Voyons, qu’est-ce qui vaut mieux ? »

Je rêvassais ainsi, dans cette soirée que je passai chez moi, à demi mort de souffrance morale. Je n’avais jamais supporté autant d’amertumes et de regrets ; mais pouvais-je conserver le moindre doute. Quand je me précipitai dehors, ne savais-je pas que je reviendrais sur mes pas à moitié chemin.

Je n’ai plus jamais rencontré Lisa et je n’ai plus entendu parler d’elle. J’ajouterai encore, que je restai longtemps enchanté de ma phrase sur l’utilité de l’injure et de la haine, malgré que moi-même fus presque malade de tristesse.

Même à présent, après tant d’années, tout cela me fait triste effet quand j’y songe. J’ai gardé un mauvais souvenir de bien des choses, mais… ne ferais-je pas bien de terminer ici mes Mémoires ? Il me semble que j’ai eu tort de commencer à les écrire. Du moins, j’ai été honteux en écrivant cette nouvelle (ainsi ce n’est plus de la littérature, mais une correction). Car il est peu intéressant, par exemple, de raconter en une longue nouvelle que j’ai man-