Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/209

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blances entre l’un ou l’autre de ces animaux et tel ou tel de ses amis et de ses connaissances. Je m’en réjouissais avec elle, car ses ressemblances étaient toujours frappantes. L’Allemand, qui ne savait s’il devait rire ou non, avait fini par devenir morose…

Précisément à ce moment, un cri terrible, je dirai même surnaturel, retentit dans la salle. Ne sachant que penser, je restai figé sur la place, puis voyant qu Elena Ivanovna criait, elle aussi, je me retournai précipitamment et que vis-je ?

Je vis, ô Dieu ! je vis l’infortuné Ivan Matveïtcli qui. saisi par le milieu du corps dans les terribles mâchoires du crocodile et soulevé agitait horizontalement dans l’espace des jambes désespérées. Il disparut en un instant. Mais, comme, resté immobile, j’eus le temps d’observer tous les détails de l’accident avec une attention passionnée, avec la plus folle curiosité que j’aie jamais éprouvée, je vais pouvoir le narrer minutieusement.

« Quel ennui, pensai-je, si c’eut été moi qui me fusse trouvé à la place d’Ivan Matveïteh ! »

Allons au fait. Manœuvrant ses effrayantes mâchoires, le crocodile amena préalablement vers lui les pieds du malheureux Ivan Matveïteh, puis, l’ayant un peu laissé filer, car mon savant ami s’efforçait d’échapper et se cramponnait à la baignoire, il l’avala jusqu’à la ceinture. Le laissant à nouveau filer, il continua de l’avaler en plusieurs