Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/211

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— C’en est fait de notre Ivan Matveïtch, lui dis-je. Je ne songe même pas à exprimer l’intensité d’émotion de la jeune femme pendant que se déroulait cette scène. Au commencement après avoir poussé ce premier cri. elle sembla comme pétrifiée et regardait tout ce branle-bas, on eut dit avec indifférence, les yeux demeuraient écarquillés. Puis elle éclata en sanglots et je lui pris les mains.

A ce moment, affolé par l’épouvante de ce premier moment, le propriétaire du crocodile se claqua dans les mains et, les yeux au ciel, il s’écria :

— Oh ! mon crocodile, mon Karl chéri ! Mère, mère ! mère !

A cet appel, la porte du fond s’ouvrit et la mère apparut, en bonnet. C’était une femme âgée, haute en couleur, mais débraillée, qui se précipita vers son Allemand de fils en poussant des cris stridents.

Ce fut alors un épouvantable vacarme. Telle une possédée, Elena ne trouvait qu’un seul cri : « A battre ! à battre ! » Elle s’élançait tantôt vers l’Allemand. tantôt vers sa mère en les suppliant, inconsciemment, sans doute, de battre on ne sait qui pour on ne sait quelle raison. Quant au manager et sa mère, ils ne nous accordaient aucun intérêt et pleuraient, tels deux veaux, le long de la baignoire.

— Il est perdu. Il va éclater d’un instant à l’au-