Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de son ongle l’article sur lequel il désirait attirer mon attention. Ce Prokhor Savitch était un homme assez bizarre. Vieux garçon, il n’entretenait de rapports avec aucun de nous et ne causait pour ainsi dire avec personne de la chancellerie. Il avait toujours et à propos de tout son opinion particulière, mais ne pouvait souffrir de la confiera qui que ce fût. Il vivait seul et presque personne de nous n’avait pénétré chez lui.

Voici ce que je lus dans Le Cheveu à l’endroit marqué d’un trait d’ongle :

« Tout le monde sait que nous sommes progressistes et humanitaires et que sur, ce terrain, nous prétendons nous égaler à l’Europe. Mais, quels que soient les efforts de notre peuple et ceux de notre journal, il faut reconnaître que nous sommes loin d’être mûrs, si l’on en juge par un fait révoltant qui eut hier le Passage pour théâtre et que nous avions toujours prédit.

» Un étranger, propriétaire d’un crocodile, arrive en notre pays et exhibe sa bête dans le Passage. Nous nous empressons aussitôt de saluer cette nouvelle branche d’une utile industrie, branche encore manquante sur le tronc de notre puissante et si diverse patrie.

» Or, voilà que, tout à coup, hier, à quatre heures et demie, on voit arriver chez cet étranger un homme fort gros et en complet état d’ivresse, qui paie le prix d’entrée et, sans prévenir personne,