Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/275

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stchi, ni viande, se contentant de manger son pain avec des oignons, ou du fromage blanc, ou des concombres au sel, ou tout autre comestible à bas prix, et ne se décidait à dépasser le demi-prix du repas que s’il mourait de faim.

Ici, le biographe avoue qu’il ne se fût jamais abandonné à des détails aussi insignifiants en apparence, à des détails aussi misérables et, disons-le, presque outrageants pour des lecteurs épris de style noble, si ces détails ne constituaient une particularité distinctive, un trait dominant du caractère de notre héros. En effet, M. Prokhartchine n’était point dénué de ressources comme il se plaisait à l’affirmer jusqu’au point de ne pouvoir mander à sa faim. S’il se privait sans la moindre vergogne et en tout mépris des médisants, c’était pour la satisfaction de sa folle avarice et aussi par un excès de prévoyance, ainsi qu’on le comprendra mieux ultérieurement.

Mais nous nous ferions scrupule d’ennuyer nos lecteurs d’une revue détaillée de toutes les lubies de Sémione Ivanovitch et non seulement nous renonçons à la description de son costume, si pittoresque et divertissante qu’elle eût pu nous paraître, mais il faut encore qu’Oustinia Féodovna en ait formellement témoigné pour que nous rapportions ceci : jamais Sémione Ivanovitch n’aurait rien confié à la blanchisseuse, ou tout au moins, il s’y serait résolu si rarement qu’on pouvait fort bien