Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/279

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complètement oublié cette affaire, qu’il y mit cette conclusion que Zénobi Prokofitch se casserait immanquablement la jambe à peine entré aux hussards, qu’il n’y aurait d’autre ressource que la substitution d’une jambe de bois à la jambe avariée et que ce serait alors qu’on verrait Zénobi Prokofitch venir demander du pain à Sémione Ivanovitch, lequel, d’ailleurs, se ferait un véritable plaisir de repousser sans un regard les supplications de ce « gamin ».

Il va sans dire que tout cela fut jugé intéressant et curieux au plus haut point. Sans plus de réflexions, l’assemblée des pensionnaires résolut de livrer à Sémione Ivanovitch un assaut décisif. Or, depuis que M. Prokhartchine s’était résolu de se mêler à la compagnie, il semblait tenir à rester au courant de tout et multipliait les questions dans on ne sait quel but mystérieux, de sorte que les conflits éclataient sans difficultés ni préliminaires. Pour entrer en matière, Sémione Ivanovitch s’était avisé d’un moyen extrêmement subtil et déjà connu de nos lecteurs : vers l’heure du thé, il quittait son lit, s’approchait du groupe, comme peut le faire un homme modeste, intelligent, affable, et versait les vingt copecks réglementaires en annonçant son intention de participer à cette petite fête. Toute cette belle jeunesse se concertait en de rapides clins d’œil et l’on entamait aussitôt une conversation d’abord décente et sérieuse.