Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

déjà une digne récompense des efforts de ces messieurs pour ne pas dormir. C’était lui, lui-même, Sémione Ivanovitch, M. Prokhartchine, mais dans quel état ! Ce fut un Ah ! général, une telle émotion qu’on ne pensa même plus à la belle-sœur. Le déserteur semblait sans connaissance. Un cocher de fiacre le porta sur ses épaules jusque dans son coin où il le déposa, tout morfondu, transi, en guenilles. A la logeuse qui demandait où son pensionnaire avait bien pu se saouler de la sorte, le cocher répondit :

— Mais il n’est pas saoul. Je t’assure qu’il n’a pas bu une goutte de quoi que ce soit. Ça doit être une syncope ou un coup d’apoplexie.

Pour plus de commodité, on adossa Sémione Ivanovitch au poêle et l’ayant examiné, on reconnut qu’en effet, il n’y avait pas là d’ivresse, mais non plus d’apoplexie. Sans doute avait-il quelque chose, mais quoi ? car, sans pouvoir remuer la langue, il était secoué de tressaillements et battait des paupières et fixait un regard étonné tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre de ces assistants en toilette de nuit. On interrogea le cocher à fin de savoir où il l’avait ramassé :

— Ce sont des messieurs joliment gais qui me l’ont remis tel quel. Ils revenaient de Kolomna. Se sont-ils battus ? A-t-il eu des convulsions ? Qui sait ? En tout cas, c’étaient des messieurs très bien et joliment gais.