Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/290

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les chambres des chaussures éculées d’Avdotia, qui nettoyait la maison. Des heures s’écoulaient ainsi, heures de paresse et de somnolence, heures monotones, telles les gouttes d’eau qu’on entendait tomber dans le baquet de la cuisine. Puis, un par un ou par groupes, les pensionnaires rentraient et Sémione Ivanovitch pouvait les entendre se plaindre du temps, réclamer le repas, faire du tapage, fumer, se quereller, se réconcilier, jouer aux cartes et entre-choquer les tasses en préparant le thé. Machinalement, le malade faisait un mouvement pour se lever et se joindre à eux en acquittant le droit fixé, mais soudain, il retombait dans sa torpeur. Il rêvait alors que depuis un moment il était à table, prenant le thé et participant à la conversation. Prompt à saisir l’occasion, Zénobi Prokofitch glissait dans l’entretien quelque allusion concernant les belles-sœurs et leurs rapports possibles avec telles honnêtes gens.

Ici, Sémione Ivanovitch s’efforçait de se disculper et de répondre, mais, tombant à la fois de toutes les bouches, la toute-puissante phrase protocolaire : « Nous avons maintes fois remarqué… » lui coupait net toutes ses répliques et il n’avait plus rien de mieux à faire que de rêver du premier jour du mois, jour béni où il touchait les roubles de l’administration. Dans l’escalier, il déployait les billets reçus et, jetant un regard furtif autour de lui, s’empressait de dissimuler la moitié d’un sa-