Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/302

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tellement étrange et surprenant que positivement, c’est à ne pas savoir comment la rapporter. La modération se mua en impatience, l’impatience en cris, les cris en larmes et, furieux, Marc Ivanovitch finit par s’en aller, l’écume aux lèvres, en déclarant que jusqu’alors, il n’avait point rencontré d’homme aussi contrariant. Oplévaniev cracha de mépris ; Océanov parut effrayé ; Zénobi Prokofitch pleura et Oustinia Féodorovna répandit un ruisseau de larmes, gémissant que c’en était fini de son locataire, qu’il avait perdu la raison, et allait mourir sans passeport. qu’elle était orpheline et que, bien sûr, on la menait à l’abîme En un mot, tout le monde put se convaincre que la semence avait bien pris, que tout avait germé à souhait, que le sol avait été béni et que Sémione Ivanovitch s’était merveilleusement bien et irrémédiablement dérangé la tête en leur compagnie. Tous se turent car, s’ils avaient su terrifier Sémione Ivanovitch, eux-mêmes avaient peur maintenant et se sentaient pleins de compassion…

— Comment ! s’écria Marc Ivanovitch. Mais que craignez-vous donc ? Quelle mouche vous pique ? Qui diable pense à vous seulement ? De quel droit tremblez-vous ainsi ? Qu’est-ce que vous êtes donc ? Un simple zéro, monsieur, moins qu’une pelure d’orange ! voilà ce que vous êtes. Y a-t-il là de quoi se frapper ? Si une femme est écrasée dans la rue, allez-vous vous imaginer que vous devez