Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gnant l’endroit où le matelas était percé et par où passaient le crin et le coton dont il était farci. On y regarda de plus près et on vit que la déchirure avait été faite tout récemment avec un couteau d’une demi-archine de long qu’on découvrit dans le matelas en introduisant la main et qui n’était autre que le couteau de cuisine de la logeuse. Yaroslav Ilitch n’avait pas encore fini de prononcer un nouveau : « Hé ! hé ! » que tomba un second rouleau suivi de quelques pièces de monnaie de différentes valeurs. Le tout fut immédiatement saisi. Alors, on estima bon d’ouvrir le matelas et on demanda des ciseaux.

Un bout de bougie tout coulant éclairait là un tableau fort intéressant pour un observateur. Une dizaine de locataires étaient groupés autour du lit dans les plus pittoresques costumes, tout ébouriffés, non rasés, non débarbouillés et tout bouffis de sommeil. Les uns étaient fort pâles, les autres ruisselaient de sueur ; les uns tremblaient de fièvre, les autres étaient secoués de frissons. Absolument hébétée, la logeuse se tenait là timide, les bras croisés dans l’attente du bon plaisir de Yaroslav Ilitch ; tandis que, du haut du poêle, la servante Avdotia et la chatte favorite de la patronne contemplaient d’un air de curiosité effarée cette scène circonscrite par le paravent désemparé. Le coffre éventré révélait le mystère dégoûtant de ses entrailles ; la couverture et l’oreiller traînaient à terre