Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

homme que jeta bas une seule chiquenaude, est resté chez vous et vous n’avez pas trouvé le temps de… hé ! hé ! petite mère !

— Oh ! que dis-tu ? riposta la logeuse à celui qui avait interpellé Marc Ivanovitch, feignant de ne pas entendre les paroles tendancieuses d’Océanov, à quoi bon la banque ? Il n’avait qu’à m’en apporter une bonne poignée et à me dire : « Tiens, Oustiniouchka, voilà pour toi et nourris-moi jusqu’à la fin de mes jours. » Je te jure sur les saintes icônes que je l’aurais nourri, que je l’aurais soigné… Ah ! le menteur ! Il m’a bien trompée, une pauvre orpheline !

On revint près du lit de Sémione Ivanovitch. Il était maintenant convenablement couché, vêtu de son meilleur et d’ailleurs unique habit, et son menton raidi s’embusquait derrière la cravate mal mise. On l’avait lavé, peigné, mais non pas rasé parce qu’on n’avait pu trouver de rasoir dans l’appartement. Il y en avait bien eu un, propriété de Zénobi Prokofitch, mais complètement émoussé, il avait été vendu avantageusement au marché de Tolkoutchi et, depuis ce jour, les locataires allaient tous se faire barbifier chez le coiffeur. On n’avait pas trouvé le temps de réparer le désordre du coin de Sémione Ivanovitch. Le paravent brisé gisait à terre dévoilant la solitude de celui qu’il avait recélé si longtemps et symbolisant cette vérité que la mort arrache tous les voiles, démasque tous les se-