Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/81

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secours, elle m’émouvait, m’adoucissait et me torturait. Mais, par moments, elle m’ennuyait affreusement. Je voulais avancer quand même, et je me plongeais dans une vile et souterraine débauche, plutôt que dans le vice. En moi, les passions étaient vives, ardentes, par suite de mon irritation maladive constante. J’avais des crises nerveuses, avec des larmes et des convulsions. En dehors des lectures, je n’avais pas d’issue, c’est-à-dire, qu’il n’y avait rien que je pusse estimer dans mon entourage, rien qui m’attirât. De plus l’ennui me prenait : j’avais un besoin nerveux de contradictions, de contrastes, et je me jetais dans la débauche. Ce n’est pas pour me justifier que je dis toutes ces choses… Non, cependant ! Je mens ! Je voulais précisément me justifier. C’est pour moi, Messieurs, que je fais cette petite remarque. Je ne veux pas mentir. Je l’ai promis.

Je me livrais à la débauche, seul, la nuit, en cachette, salement, avec crainte, avec honte, qui ne me quittaient pas dans les moments les plus dégoûtants et qui devenaient une malédiction dans ces moments. Déjà je portais dans mon âme l’impression de mon trou. Je craignais affreusement que l’on ne me vit, que l’on ne me rencontrât, que l’on ne me reconnût. Et cependant je fréquentais des endroits fort sombres.

Une fois, la nuit en passant auprès d’une petite auberge, je vis par la fenêtre des joueurs de