Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/89

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demandai une avance sur mon traitement et j’achetai des gants noirs et un chapeau convenable. Les gants noirs me paraissaient plus sérieux et de meilleur ton que les gants jaune citron, dont j’avais envie d abord. « La couleur est trop criarde, il paraît trop que l’homme veut se mettre en évidence », et je ne pris pas les jaune citron. J’avais préparé depuis longtemps une chemise blanche, avec des boutons blancs, en os. Mais ce fut la capote qui m’arrêta. En elle-même, la capote n’était pas mal, elle était chaude ; mais elle était doublée d’ouate avec un col de genette, ce qui était ultra-plébéien. Il fallait absolument changer le col et en avoir un en castor, à peu près comme les officiers. Je me mis à fréquenter les magasins du Gostinnoï Dvor, et après quelques tentatives, je finis par m’arrêter à un castor allemand bon marché. Le castor allemand est bientôt usé et prend vite un air misérable, mais au commencement, quand il est neuf, il est excessivement convenable. Pour moi, il ne s’agissait que d’une fois. Je demandai le prix. C’était encore trop cher. Après mûre réflexion, je me décidai à vendre mon col de genette. La somme qui me manquait, et qui était assez considérable, je me décidai à l’emprunter à Anton Antonitch Sétotchkine, mon chef de bureau, qui était doux, mais sérieux et positif, et qui ne prêtait jamais, mais auquel j’avais été recommandé autrefois par le personnage important qui m’avait fait