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Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, en l’honneur de la naissance du Dauphin, sous Louis XI, à Paris, on voit représenter dans les salons de la prévôté une scène intitulée : le Bon Jugement de la très-sainte et gracieuse Vierge Marie. Dans ce Mystère, la Madone paraît en personne et prononce son bon jugement. Chez nous, à Moscou, avant Pierre le Grand, on donnait de temps en temps des représentations analogues dont l’Ancien Testament faisait les frais. En outre, circulaient alors beaucoup de romans et de poëmes qui mettaient en scène les saints, les anges et tout le ciel. Dans nos monastères, on copiait, on traduisait ces poèmes, on en composait même de nouveaux. C’était du temps des Tartares. Par exemple, nous avons un petit poème monastique, probablement traduit du grec : le Pèlerinage de la Madone à travers les souffrances. Il y a des tableaux d’une hardiesse dantesque. La Madone visite l’enfer, et c’est l’archange saint Michel qui la guide. Elle voit les pécheurs et leurs tortures. Entre autres, il y a une catégorie très-intéressante de pécheurs dans un lac de feu. Quelques-uns se noient dans ce lac : ceux-là sont oubliés de Dieu même. La Madone pleure, tombe à genoux devant l’autel de Dieu et le supplie de pardonner à tous les pécheurs, sans distinction. Son entretien avec Dieu est d’un intérêt que je ne puis rendre. Elle prie, elle insiste. Dieu lui montre les pieds et les mains cloués de son fils, et demande à la Mère Douloureuse : « Comment pourrais-je pardonner à ses bourreaux ? » Mais elle ordonne à tous les saints, à tous les anges, à tous les archanges de tomber à genoux avec elle et de crier grâce pour tous les pécheurs, sans distinction. Elle triomphe : toutes