Page:Dostoïevski - Un adolescent, trad. Bienstock et Fénéon, 1902.djvu/54

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IV

Entrèrent deux femmes ; très simplement habil­lées. L’une était, approximativement, la belle-fille d’un des cousins germains de la défunte femme du prince ; celui-ci l’avait dotée, encore qu’elle fût dans une assez belle situation de fortune. L’autre était Anna Andréievna Versilov, fille de Versilov, plus âgée que moi de trois ans, qui demeurait avec son frère chez Mee Fanariotov ; je ne l’avais encore vue qu’une fois et dans la rue.. Cette Anna Andréievna, dès l’enfance, avait été honorée par le prince d’une affection, spéciale (comme on voit, Versilov et le prince se connaissaient de longue date). J’étais si troublé encore, qu’à leur entrée je ne me levai pas et, lorsque je m’avisai de mon impolitesse, j’estimai qu’il était trop tard pour la réparer. Je ne savais pas d’ailleurs si, du fait, de la scène précédente, il n’eût pas été séant que je prisse congé. Mais le vieux avait déjà tout oublié, selon son habitude, et la vue des demoiselles l’avait ragaillardi. Clignant des yeux il me chuchota mystérieusement :

— Regarde Olympe, regarde-la attentivement, je te raconterai après...

Je la regardai donc, sans rien lui trouver d’extraor­dinaire : taille replète, joues très colorées, physionomie avenante de ces physionomies qui plaisent aux sensuels ; une expression de sincérité (cela, sous réserves). Rien n’indiquait qu’elle dût être d’une intelligence bien remarquable ; pourtant ses yeux bril-