de vraie salive, je ne vous en voudrais pas : car vous êtes ma victime, la mienne et pas la sienne. La puissance est plus délicieuse de rester latente. Millionnaire, il me serait voluptueux de vivre sous des guenilles et d’être repoussé quand je demanderais l’aumône.... A être écrits les sentiments s’alourdissent, se figent en formes dures ; ceux que j’exprime ici étaient en moi à l’état nébuleux.
A cette date du 19, je fis encore un « pas ».
Pour la première fois depuis mon arrivée, j’avais de l’argent en poche, et j’avais décidé de tenter en cette occasion une expérience à quoi je songeais dès longtemps.
La veille, j’avais découpé dans un journal une annonce : le 19 septembre, à midi, telle rue, tel numéro, serait vendu par autorité de justice le mobilier de Mme Labrecht. Il était près d’une heure. Je me hâtai vers cette adresse, à pied. (Depuis trois ans je ne prenais plus de voitures : ainsi avais-je pu économiser les soixante roubles que j’avais remis à ma mère.) Je n’étais encore jamais allé à une vente publique. Et cette vente-ci, insignifiante pour tous, était pour moi le premier ais de ce navire à bord duquel Colomb appareilla vers les Amériques.
Quand j’arrivai, la vente était presque à moitié faite. Je m’approchai de la table derrière laquelle opérait le commissaire-priseur. On était en train de vendre des candélabres de bronze.
Je regardai. « Que puis-je acheter ici? me deman-