Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/175

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Je reviens donc paisiblement aux gens doués d’un bon système nerveux et qui ne comprennent pas les plaisirs d’une certaine acuité. Ces gens-là, si on les offense, beuglent comme des taureaux, à leur grand honneur, mais s’apaisent immédiatement devant l’impossibilité, ― vous savez, le mur. Quel mur ? mais cela va sans dire, les lois de la nature, les conclusions des sciences naturelles, la mathématique. Qu’on vous démontre que l’homme descend du singe, il faut vous rendre à l’évidence, « il n’y a pas à tortiller ». Qu’on vous prouve qu’une parcelle de votre propre peau est plus précieuse que des centaines de milliers de vos proches, et qu’au bout du compte toutes les vertus, tous les devoirs et autres rêveries ou préjugés doivent s’effacer devant cela ; eh bien ! qu’y faire ? Il faut encore se rendre, car deux fois deux… c’est la mathématique ! Essayez donc de trouver une objection.

« Mais permettez, dira-t-on, il n’y a en effet rien à dire : deux fois deux font quatre. La nature ne demande pas votre autorisation. Elle n’a pas à tenir compte de vos préférences, il faut la prendre comme elle est. Un mur ? C’est un mur ! Et ainsi de suite… et ainsi de suite… »