Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/247

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s’ils s’aiment vraiment. Ils peuvent se quereller : la propre mère de la femme ne doit pas être appelée comme arbitre, elle ne doit même pas se douter de la querelle. Le mari et la femme sont leurs propres juges. L’amour est le secret des deux. Il doit demeurer caché à tous, quoi qu’il arrive. C’est mieux, c’est plus religieux, on s’en estime davantage. Or, beaucoup de choses naissent de l’estime. Et si l’amour est venu une bonne fois, si c’est bien par amour qu’on s’est marié, pourquoi passerait-il ? Ne peut-on le stimuler ? Pourquoi pas ? Il est bien rare qu’on n’y parvienne. Et pourquoi l’amour passerait-il, si le mari est bon et honnête ? La première rage d’amour des premières semaines ne peut durer sans doute, mais un autre amour lui succède, meilleur encore. Alors ce sont les âmes qui s’aiment, toutes les affaires sont communes. Pas un secret entre le mari et la femme, et si les enfants viennent, même les plus difficiles moments ont une douceur. Il suffit de s’aimer d’un cœur fort. Alors le travail est gai. On épargne sur son propre pain pour les enfants. Et l’on est heureux, on se dit que les enfants vous rendront en amour toute votre peine, et que c’est encore pour soi qu’on