Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/286

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gardant fixement, frémissant d’impatience de savoir ce qu’elle pensait.

Elle était si confuse qu’elle ne put même pas me répondre.

― Prends du thé, ― dis-je avec colère.

J’étais irrité contre moi-même, mais il va sans dire qu’elle devait tout supporter. Une horrible colère me soulevait le cœur contre elle, il me semblait que je l’aurais tuée avec plaisir. Et pour me venger je me jurai mentalement que je ne lui dirais plus un mot.

C’est elle qui est la cause de tout ! pensai-je.

Le silence dura sept minutes. Le thé restait sur la table, nous n’y touchions pas. Exprès ― tant la perversité me gouvernait ! ― je ne voulais pas boire le premier pour rendre plus pénible la position de Lisa, puisqu’il ne convenait pas qu’elle commençât. Elle me regardait à la dérobée, avec étonnement, avec tristesse. Je m’obstinais à me taire. Certes, le principal bourreau, c’était moi, et j’avais pleine conscience de toute la dégoûtante bassesse de ma sottise et de ma méchanceté ; mais je ne m’appartenais plus.

― Je viens de là… Je veux… en sortir tout à