Page:Doumic - La Poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, 1898.djvu/97

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Je vous montrerais bien des négligences chez Alfred de Musset ; il y en a même chez Victor Hugo, qui cependant, pour le style, a plus de soin que les autres. Mais, d’après ce que je viens de vous montrer, vous voyez que, pour Théophile Gautier, d’une part, le monde extérieur existe, d’autre part, il fait des métaphores qui se suivent. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu’il est sensible aux choses, aux objets, à l’extérieur et que, dans hi façon dont il rend l’extérieur, il s’occupe plus qu’un autre de la précision. Il est, en vers, un peintre. Il l’avait été en réalité ; il avait commencé par l’être dans un atelier de peinture. C’est un peintre manqué qui a fait en vers un peintre excellent. C’est un peintre, et vous savez que, d’habitude, sa propre pratique on l’érigé en théorie ; avec ses qualités à soi on fait des maximes. Théophile Gautier était un bon peintre en vers ; c’est pourquoi il a déclaré qu’il fallait peindre en vers et que la poésie doit être une rivale de la peinture : rivale de la peinture, et aussi de la sculpture, et aussi de la gravure sur médailles, et aussi des émaux, et aussi des camées. C’est le titre que porte son principal recueil : Émaux et camées. Vous voyez comme ce titre est différent de Méditations ou même de Feuilles d’automne. Émaux et camées, le poète s’y donne pour un rival du graveur. Le style, d’après lui, doit être plastique, et cette théorie même est celle de Théophile Gautier : la théorie du style plastique, la théorie d’après laquelle le poète doit rivaliser avec le peintre et le sculpteur.