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jim harrison, boxeur

Ma mère m’avait enseigné à le regarder avec respect, étant un de ceux que Dieu a destinés à régner sur nous, mais mon oncle sourit quand je lui parlai de ce qu’elle m’avait appris.

— Vous êtes assez grand pour voir les choses telles qu’elles sont, neveu, dit-il, et leur connaissance parfaite est le gage certain que vous vous trouvez dans le cercle intime où j’entends vous faire entrer. Il n’est personne qui connaisse mieux que moi le prince ; il n’est personne qui ait moins que moi confiance en lui. Jamais chapeau n’abrita plus étrange réunion de qualités contradictoires. C’est un homme toujours pressé, quoiqu’il n’ait jamais rien à faire. Il fait des embarras à propos de choses qui ne le regardent pas, et il néglige ses devoirs les plus manifestes. Il se montre généreux envers des gens auxquels il ne doit rien, mais il a ruiné ses fournisseurs en se refusant à payer ses dettes les plus légitimes. Il témoigne de l’affection à des gens que le hasard lui a fait rencontrer, mais son père lui inspire de l’aversion, sa mère de l’horreur, et il n’adresse jamais la parole à sa femme. Il se prétend le premier gentleman de l’Angleterre, mais les gentlemen ont riposté en blackboulant ses amis à leur club et en le mettant à l’index à Newmarket, comme suspect d’avoir triché sur un cheval. Il passe son temps à exprimer de nobles sentiments et à les contredire par des actes ignobles. Il raconte sur lui-même des histoires si grotesques qu’on ne saurait plus se les expliquer que par le sang qui coule dans ses veines. Et malgré tout cela, il sait parfois faire preuve de dignité, de courtoisie, de bienveillance, et j’ai trouvé en cet homme des élans de générosité qui m’ont fait oublier les fautes qui ne peuvent avoir uniquement leur source, que dans la situation qu’il occupe, situation pour laquelle aucun