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jim harrison, boxeur

s’il était satisfait de la figure qu’il avait faite dans la partie.

Quarante-sept ans se sont écoulés, depuis que j’écoutais ce cercle de dandys ; et maintenant où sont leurs petits chapeaux, leurs gilets mirobolants et leurs bottes, devant lesquelles on eût pu faire son nœud de cravate.

Ils menaient d’étranges existences ces gens-là, et ils moururent d’étrange façon, quelques-uns de leurs propres mains, d’autres dans la misère, d’autres dans la prison pour dettes, et d’autres enfin, comme ce fut le cas pour le plus brillant d’entre eux, à l’étranger, dans une maison de fous.

— Voici le salon de jeu, Rodney, dit mon oncle quand nous passâmes par une porte ouverte qui se trouvait sur notre trajet.

J’y jetai un coup d’œil et je vis une rangée de petites tables couvertes de serge verte, autour desquelles étaient assis de petits groupes.

À un bout, il y avait une table plus longue d’où partait un murmure continuel de voix.

— Vous pouvez perdre tout ce que vous voudrez ici, dit mon oncle, à moins que vous n’ayez des nerfs et du sang-froid. Ah ! Sir Lothian, j’espère que la chance est de votre côté ?

Un homme de haute taille, mince, à figure dure et sévère, s’était avancé de quelques pas hors de la pièce.

Sous ses sourcils touffus, pétillaient deux yeux, vifs, gris, fureteurs.

Ses traits grossiers étaient profondément creusés aux joues et aux tempes comme du silex rongé par l’eau.

Il était entièrement vêtu de noir et je remarquai qu’il avait un balancement des épaules comme s’il avait bu.

— Perdu comme un démon, dit-il d’un ton saccadé.