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jim harrison, boxeur

dans la nécessité de rouvrir les lèvres au sujet de cette misérable affaire.

Vous vous rappelez notre partie, vous vous rappelez comme nous perdions. Vous vous rappelez que vous vous êtes retirés, que vous m’avez laissé tout seul, assis dans cette même pièce, à cette même table.

Loin d’être fatigué, j’étais tout à fait éveillé et je passai une heure ou deux à repasser dans mon esprit les incidents du jeu et les modifications qu’il apporterait vraisemblablement dans mon état de fortune.

Comme vous le savez, j’avais subi de grosses pertes, et ma seule consolation était que mon frère avait gagné. Je savais bien que par suite de sa conduite irréfléchie, il était dans les griffes des Juifs et j’espérais que ce qui avait ébranlé ma position aurait pour effet de raffermir la sienne.

Comme j’étais là à manier distraitement les cartes, le hasard me fit remarquer les petites piqûres que vous venez de sentir. J’examinai les paquets et, à mon indicible horreur, je reconnus que quiconque aurait été au courant de ce secret aurait pu les distribuer de façon à se rendre un compte exact des sortes de cartes qui passaient aux mains de chacun des adversaires.

Et alors, le sang me montant à la tête dans un mouvement de honte et de dégoût que je n’avais jamais connu, je me rappelai que mon attention avait été frappée de la façon dont mon frère distribuait les cartes, de sa lenteur et de sa manière de tenir les cartes par le bord inférieur.

Je ne le condamnai pas à la légère, je restai longtemps à peser les moindres indices qui pouvaient lui être favorables ou défavorables.

Hélas, tout concourait à confirmer mes horribles soupçons et à les changer en certitude.