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jim harrison, boxeur

un fer à cheval, je le courbe, je le rogne, je relève les bouts, j’y perce cinq trous et puis c’est fini. Alors, ça recommence et ça recommence encore. Je tire le soufflet, j’entretiens le foyer ; je lime un sabot ou deux et voilà la besogne de la journée terminée et les jours succèdent aux jours, sans le moindre changement. N’est-ce donc que pour cela, dites-moi, que je suis venu au monde ?

Je le regardai, je considérai sa fière figure d’aigle, sa haute taille, ses membres musculeux et je me demandai s’il y avait dans tout le pays, un homme plus beau, un homme mieux bâti.

— L’armée ou la marine, voilà votre vraie place, Jim.

— Voilà qui est fort bien, s’écria-t-il. Si vous entrez dans la marine comme vous le ferez probablement, ce sera avec le rang d’officier et vous n’y aurez qu’à commander. Tandis que moi, si j’y entre, ce sera comme quelqu’un qui est né pour obéir.

— Un officier reçoit les ordres de ceux qui sont placés au-dessus de lui.

— Mais un officier n’a pas le fouet suspendu sur sa tête. J’ai vu ici à l’auberge un pauvre diable, il y a de cela quelques années. Il nous a montré, dans la salle commune, son dos tout découpé par le fouet du contremaître.

— Qui l’a commandé ? ai-je demandé.

— Le capitaine, répondit-il.

— Et qu’auriez-vous eu si vous l’aviez tué sur le coup ?

— La vergue, dit-il.

— Eh bien, si j’avais été à votre place, j’aurais préféré cela, ai-je dit.

Et c’était la vérité.

Ce n’est pas ma faute, Rod, j’ai dans le cœur quelque