Page:Doyle - La Marque des quatre.djvu/172

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revêtait maintenant des contours mieux définis et nous pouvions distinguer nettement la silhouette élégante de l’Aurora. Jones ayant dirigé sur elle la lumière du fanal, nous pûmes voir les personnages qui occupaient le pont. Un homme était assis à barrière et se penchait sur un objet noir placé entre ses jambes. À côté de lui gisait une masse sombre qu’on aurait pu prendre pour un chien de Terre-Neuve. Un gamin tenait la barre, tandis que les reflets rougeâtres du foyer me permettaient d’apercevoir le vieux Smith, nu jusqu’à la ceinture et entassant charbon sur charbon, pour triompher enfin dans cette course où des vies humaines se trouvaient être l’enjeu. Au début, les passagers de l’Aurora avaient pu se demander si vraiment nous étions lancés à leur poursuite ; maintenant ils n’en pouvaient plus douter, tant nous suivions exactement leurs tours et leurs détours. À Greenwich, trois cents mètres nous séparaient d’eux. À Blackwell, il n’y en avait plus que deux cent cinquante. J’ai forcé bien des animaux et dans bien des pays divers au cours de mon aventureuse carrière, mais jamais sport ne m’a fait éprouver d’aussi violentes palpitations que cette chasse insensée à l’homme se déroulant ainsi au milieu de la Tamise. Peu à peu, mètre par mètre,