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Le Juif glissa vers Jean Tapin un regard sournois, évolua comme une couleuvre derrière lui, puis d’une voix de fausset :

— Rebecca ! Rebecca ! appela-t-il.

Un paquet informe, que Jean n’avait pas remarqué dans l’obscurité de l’arrière-boutique, se souleva. C’était une femme ridée, parcheminée, occupée à rapiécer de vieux habits.

— Rebecca, dit le Juif, tu vas servir ce seigneur, pendant que je vais chez notre voisin Samuel pour l’affaire que tu sais.

Mais Jean, dès le premier mot, avait été pris d’un soupçon, et ce soupçon devint une certitude lorsque les deux époux échangèrent un regard d’intelligence caractéristique qui n’échappa point à l’œil vigilant de notre ami.

Or il était décidé à tout.

Et il n’avait pas recouvré sa liberté pour la laisser à la merci d’un couple descendant certainement en droite ligne de la tribu de Judas.

Aussi son hésitation ne fut pas longue. En un clin d’œil, il sauta sur la poignée du sabre qui était à sa portée, le sortit du fourreau et bondissant sur l’Israélite qui déjà gagnait la porte :

— Gredin, lui dit-il d’une voix sourde, c’est au bureau de police que tu vas ! Si tu remues pied ou patte, je te tue comme un pourceau que tu es !

Il lui avait mis la pointe de l’arme sur la gorge, et le fripier, chavirant de terreur, tomba sur les genoux :

— Grâce, Votre Seigneurie, grâce ! hurla-t-il.

Mais Rebecca s’était rapprochée et poussait des cris d’orfraie.

D’un violent coup de poing au front, Jean envoya la mégère rouler étourdie, sur une pile de tapis. Puis se retournant vers le Juif :

— Et maintenant ordonna-t-il, donne-moi cet uniforme !

En hâte il le revêtit. Il était un peu ample pour lui, mais sans être ridicule car il était de sa taille ; en rembourrant la poitrine dès qu’il en aurait le loisir, il arriverait à le rendre très acceptable.

Le choix d’une paire de bottes fut plus difficile : une étagère en était couverte, mais elles étaient toutes d’une taille démesurée pour notre ami qui avait les extrémités fines, et il eut fait entrer ses deux jambes dans une seule des bottes qu’on lui présentait.

Ce fut encore par la menace qu’il arriva à ses fins.

La pointe du sabre sur la gorge, le Juif alla chercher dans un réduit