Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/186

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Pourtant Jean lui fit des reproches. Lui surtout, le savant, le mathématicien, l’homme des sciences exactes et du raisonnement, avait peine à comprendre le tempérament de cet enfant.

Quant à sa sœur qui eût peut-être pu avoir à la longue sur lui une influence bienfaisante par son angélique douceur, elle n’était plus là. Deux ans auparavant, elle avait réalisé son rêve, en entrant comme novice dans la congrégation des Sœurs de Charité. Elle était à la maison mère de la rue du Bac, et Pierre, très ému, pendant la courte visite qu’il fut autorisé à lui faire, la reconnut à peine sous la cornette blanche aux larges ailes.

Elle lui parla de ses devoirs envers ses bienfaiteurs et des obligations de la vie nouvelle qu’il avait choisie ; elle le pria, le sermonna.

Il promit tout ce qu’elle voulut.

Mais il promettait plus qu’il ne pouvait tenir : il y avait, chez cette nature, une ardeur bouillonnante, un besoin d’expansion violente, un désir perpétuel d’action et surtout de mouvement.

Peut-être eût-il mieux valu pour lui qu’il partît de suite pour l’Algérie faire campagne : après l’éruption ardente, le volcan se calme ; et quelques bons coups de sabre, donnés ou reçus, eussent probablement réglé, plus vite que toute autre méthode, les élans de cet impétueux… Mais la destinée est la destinée ; ce qui est écrit est écrit ! disent les Arabes. Pierre, après un mois passé auprès de Valentine et de Jean, laissant le capitaine d’artillerie à des études très captivantes sur les canons rayés, repartait pour Tours.

Et deux jours après son arrivée, on pouvait le voir, en veste et en calot d’écurie, étriller sa jument, Flatteuse ; sous l’œil vigilant du commandant Cardignac.


Mais ce que vous verrez aussi dans quelque temps, mes enfants, c’est que les écarts de caractère et l’esprit d’indiscipline, s’ils n’entraînent, dans le jeune âge et sur les bancs de l’école, que des corrections passagères, deviennent, dans l’armée, la source de durs mécomptes et provoquent tôt ou tard de terribles châtiments.