Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/222

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Debout, sous l’effigie du Christ, dont l’injuste condamnation rappelle, à travers les siècles, aux tribunaux terrestres, l’immanente justice, les membres du Conseil attendirent, couverts et immobiles ; puis le Président se découvrit : tous en firent autant, s’assirent et le colonel, après avoir déclaré la séance ouverte, ordonna :

— Introduisez l’accusé !


Je ne sais rien, mes enfants, qui soit aussi émouvant dans sa simplicité qu’une séance de Conseil de guerre.

Sous-lieutenant, j’y étais jadis attiré par l’instinctif besoin de défendre des accusés, soldats de mon régiment : et j’ai assisté à maintes séances comme défenseur, cherchant plus souvent dans mon cœur que dans le Code les arguments capables d’atténuer la faute et de fléchir les juges.

Plus tard, capitaine et commandant, j’ai siégé comme juge, et, face à face avec ma conscience, j’ai essayé de concilier l’indulgente pitié que ressent tout officier pour le soldat coupable, avec le sentiment du devoir qui exige la répression dans l’intérêt de la discipline ; mais toujours j’ai été profondément remué par le spectacle plein de grandeur de cette justice, à la fois la plus terrible et la plus paternelle qui soit.

Terrible, car le Code militaire est impitoyable ; paternelle, car ceux qui l’appliquent aiment les malheureux qu’ils ont le devoir de châtier.

Vous entendrez dire, mes enfants :

— Est-ce que des officiers ont des notions de droit suffisantes pour s’instituer juges ? est-ce que leurs études et leurs connaissances les ont préparés à ce rôle redoutable ? Pourquoi ne pas confier la connaissance des délits et des crimes militaires aux tribunaux civils ?

Écoutez ce que répond à cette objection un Maréchal de France :

« La justice militaire est le complément obligé des moyens de discipline : aux mains de qui son exécution doit-elle être confiée ? Aux mains de ceux qui sont chargés du maintien de cette discipline, qui, chaque jour, en sentent le besoin et en remplissent les devoirs : aux officiers de l’armée active. »

D’ailleurs, sachez que ceux des officiers qui remplissent, dans ces Conseils, les fonctions de rapporteur, c’est-à-dire de juge d’instruction et de commissaire du Gouvernement, c’est-à-dire de Ministère public requérant l’appli-