Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Déjà l’amour ancien l’envahissait, le remplissait d’une langueur étrange, et le contact de la main de la jeune fille faisait passer en lui des frissons qui le ramenaient de deux ans en arrière.

Il continua :

— Lorsque j’étais loin de vous, ne sachant encore quand je vous reverrais, je me suis juré de ne pas prendre un instant de repos, de ne jouir d’aucun bonheur, avant d’avoir tiré vengeance d’un misérable que vous connaissez, que vous méprisez autant que moi, de Saladin… Je pars dans trois jours pour tenir cette promesse.

— Vous partez ? fit-elle, et son sang se glaça. Elle voulut répéter « vous partez » et aucun son ne sortit de sa bouche.

— Comment ! s’écria M. Fortier au comble de la stupeur, vous arrivez et c’est pour repartir !…

— Je pars, dit-il, d’un ton résolu.

— Et comment partez-vous ?

— Je pars avec M. de Brantane, sur son ballon dans trois jours ; je n’ai qu’un objectif, atteindre Saladin et le châtier ; ce résultat obtenu, et il peut l’être rapidement, je reviens et rien ne s’opposera plus à notre bonheur… Christiane, me comprenez-vous ?… et me pardonnez-vous ?…

— Mais c’est de la folie ! s’écria l’ingénieur. Comme si vous n’aviez pas fait votre part de voyages et couru assez de périls, vous aller de gaieté de cœur vous replonger dans de nouveaux dangers !…

— Il n’est pas pour moi de bonheur possible avant d’avoir tenu ce serment et satisfait cette vengeance.

Sa voix s’était raffermie ; il n’hésitait plus, sentant que son bonheur se décidait ; il ne voulait être le mari de Christiane qu’après avoir permis au temps, ce grand maitre, d’accomplir son œuvre d’oubli.

— Mais, M. de Brantane le tiendra pour vous, ce serment, poursuivit l’ingénieur, aussi pressé maintenant de voir le mariage se conclure qu’il avait été lent jadis à y consentir, lui aussi, à cet objectif ; et songez qu’il a de bien meilleures raisons que vous pour désirer l’atteindre : il a vu cet assassin tuer l’un après l’autre tous ses compagnons de mission ; vous pouvez donc vous en rapporter à lui du soin de l’exécution…